Une non sélection

La lecture du « Lambeau » est une expérience rare. On y retrouve les sensations que procurent les grands textes. Comment comprendre que ce livre ne figure pas dans la sélection du Goncourt 2018 ? D'autant que le prix, on le sait, est « prescripteur » et permettrait de diffuser cette œuvre auprès d'un très grand nombre de lecteurs.
Parce que nous dit-on : « Ce roman n'est pas une œuvre d'imagination, c'est un témoignage (...) c'est un très bon livre, peut-être l'un des plus beaux de l'année mais ça ne correspond pas à ce qu'attend le Goncourt, c'est à dire couronner un roman d'imagination. » *
Œuvres d'imagination, « Louis Lambert » ou « Le Lys dans la Vallée » doivent beaucoup aux jeunes années d'Honoré de Balzac. Que dire de la « Recherche du temps perdu » et de Proust, très présents dans ce livre ? Tout auteur ne puise-t-il pas en lui-même pour faire naître son texte ? « Le Lambeau » n'échappe pas à cette règle. Puis vient l'imagination. Celle de Philippe Lançon crée à partir d'un souffle de vie et d'une chambre d'hôpital, une galerie de personnages interprétant rien moins que l'histoire d'une mort et d'une renaissance.
Si de chaque hospitalisation de longue durée naissait une œuvre littéraire, les lecteurs ne sauraient plus où donner de la tête et le Goncourt n'aurait plus lieu d'être...
*Bernard Pivot, Président de l'Académie Goncourt